Bruno Besancon : « J’ai atteint le Graal en gagnant la coupe à Bonal »

Après treize ans à la tête de l’équipe réserve, l’entraîneur charismatique Bruno Besançon a décidé de prendre un peu de recul cet été pour devenir l’adjoint d’Anthony Leroy. L’occasion pour l’homme de 52 ans de revenir sur ses meilleurs souvenirs à l’Asdam dont le succès en Coupe à Bonal l’an dernier en guise d’apothéose.

Les coups de gueules au bord du terrain, les photos des culs des nouveaux, les changements à la 30e… tout cela participait au personnage de Bruno “Besak”. Même si il n’est plus l’entraîneur principal, le policier asdamien est resté dans le staff et continue de suivre “son” équipe réserve qu’il a coaché pendant plusieurs années. Autant de souvenirs qu’il a accepté de raconter pour les licenciés de son club de cœur. « Ça me gêne un peu car il y a des bénévoles qui mériteraient d’être mis en lumière avant moi» glisse, modestement, le coach avant l’interview.

Quand es-tu arrivé à l’Asdam ?

J’ai pris ma première licence à l’ASMA à l’âge de 8 ans via mon père qui connaissait Rémi Besançon. C’est lui qui l’a convaincu de me mettre à l’Asdam : « Met-le ici, c’est un bon petit club ! ». Alors qu’étant originaire de Vézélois, j’aurai logiquement dû aller à Chèvremont. On était en 1979-1980. C’est là que tout a commencé. J’ai fait toutes les catégories : poussins 1, 2, pupilles, minimes, cadets, juniors puis en sénior lorsqu’il y a eu la fusion avec Danjoutin.

J’ai toujours été stoppeur-latéral, c’était ma place. En sénior, je jouais quasiment tout le temps en réserve où j’étais capitaine. J’ai fait aussi quelques matchs en première mais visiblement, je n’ai jamais fait la malle (rires). D’ailleurs, une année, j’ai eu quelques anicroches avec un entraîneur qui n’avait pas l’air de me prendre au sérieux. En dehors, je pouvais peut-être faire le con mais sur le terrain, j’étais un battant ! J’ai ainsi le souvenir d’un début de saison où j’avais fait toute la préparation, on gagne 8-0, je suis impeccable et au retour des vacances, je repasse en B direct. J’avais un peu les boules mais j’ai toujours accepté la situation. Comme tous les joueurs, je voulais jouer au plus haut.

Es-tu issu d’une famille passionnée de foot ?

Mon père adorait le foot mais il n’en a jamais fait. Il a eu un grave accident quand il avait 14 ans et en était ressorti avec un bras mort donc il n’a jamais pu jouer. Par contre, il m’emmenait tous les samedis soir voir Sochaux. C’était mon club favori. À l’époque, il y avait Genghini, Stopyra, Baždarević, Hadžibegić… J’ai commencé à me passionner vraiment pour le FCSM lors de la demi-finale de Coupe UEFA (perdue en 1981 contre Alkmaar). J’avais 10 ans. C’était aussi la grande époque de Saint-Étienne. J’avais les yeux écarquillés devant les matchs. Aujourd’hui, je suis beaucoup moins. Mes joueurs préférés ? J’adorais Christian Lopez car il jouait latéral comme moi. De Sainté, j’appréciais aussi Rocheteau (comme tous les gosses). Et sinon, Manuel Amoros quand il était à Monaco. A l’époque, il y avait les fameux “Onze magazine” que tu pouvais envoyer pour avoir des autographes. Il m’avait renvoyé une photo dédicacée. J’ai toujours aimé les défenseurs, les mecs qui s’arrachent… Disons que je suis plus proche, dans le style, d’un mec qui rentre dedans comme Rémy Cuisance qu’un créateur comme Léo Plichon (rires).

Quand as-tu basculé dans la vie d’entraîneur ?

En parallèle de ma vie de joueur, j’ai commencé à entraîner assez jeune. Je me souviens d’une formation réalisée avec le Ludo Schneider à Rougegoutte, je devais avoir 18-20 ans. J’ai commencé à m’occuper des petits (débutants, poussins) jusqu’aux U15. Dans cette génération, il y avait Antoine Brion (« Fifou »), Alex Jardot… Au départ, j’étais d’ailleurs l’adjoint du père d’Alex, Yves Jardot, en benjamins. J’ai pris ensuite le relais en U13 puis en U15. Il me reste de grands souvenirs de cette période. Lors de ma dernière saison, on va en demi-finale de Coupe de Franche-Comté à Jura Sud. C’était un beau résultat à l’époque. En 2008, j’ai arrêté car je construisais ma maison à Mertzen (Haut-Rhin) où j’habite encore aujourd’hui. Leur club est d’ailleurs venu me débaucher une fois pour que je vienne entraîner là-bas mais j’ai dit non. Alors qu’ils me proposaient 300 € par mois (rires). Mon club, c’était l’Asdam.

Et l’équipe réserve dans tout ça ?

Au même moment, j’ai eu mes gamins et je me suis un peu éloigné du foot. C’est là que Stéphane Guyod m’a rappelé pour me demander de m’occuper de la B voire la première. C’était un peu le branle-bas de combat à l’époque, tout le monde était parti. Au début, j’ai dit : « bof, pas plus envie que ça » et finalement, j’ai accepté. Je suis arrivé en 2011, en même temps que Franck Roussel qui a pris la A. C’était la cata complète. Il y avait 8-9 joueurs sur la feuille de match. Le premier match contre Beaucourt, j’ai même dû rappeler Stéphane qui était en repas de famille et Fred Monfort (déjà en vétéran) pour faire le nombre. Le deuxième match, on joue contre Bethoncourt qui nous met 9-1. A ce moment-là, je me dis : « dans quelle merde je me suis embarqué ? » (rires). Mais j’ai tenu mon engagement. A la fin de la 2ème saison, on joue le match du maintien contre l’US Sochaux 3. Il fallait faire au moins un nul pour se maintenir mais on perd 3-1. On devait donc descendre mais j’ai fait un recours auprès du district car les adversaires avaient mélangé leurs équipes B et C. On a eu gain de cause pour se maintenir en D3. Mais c’était compliqué. Pour tout te dire, un Flo Mielle il y a dix ans, cela aurait été un bonheur pour moi (rires).

C’est devenu vraiment intéressant à l’arrivée de Cédric Marchetti (ndlr: en 2013). Les entraînements étaient bien cadrés, le club attirait du monde, certains anciens joueurs sont revenus comme Antoine Brion, Nato… Il a vraiment structuré le club. Je m’entendais super bien avec lui. On a commencé à avoir des résultats, tutoyer la montée en D2 puis tout s’est enchaîné avec deux montées successives jusqu’en D1. L’année du Covid, on était 2e avec 7 ou 8 points d’avance sur le troisième. On avait des chances de monter en R3… Depuis, les équipes B sont très solides. Cela plus n’a rien à voir avec mes débuts.

Antoine (ndlr: Cassani) est aussi dans cet esprit club. Je ne le connaissais pas avant qu’il prenne la A en 2020, au contraire de son père qui était mon médecin (sourire). J’avais seulement entendu parlé de lui en tant que meilleur buteur de l’équipe qui était montée en R3. En tout cas, il soutient le projet humain dans lequel je me reconnais. Il l’a prouvé par exemple quand il a géré son équipe A lors des derniers matchs pour aider la B à se maintenir in extremis en 2023 à Arcey.

Tu as souvent dit que t’étais un “entraîneur de coupe”… 

Pas plus que ça mais il y a une ambiance particulière dans ses rencontres. C’est un match couperet, à la vie, à la mort. Il n’y a pas de filet. C’est ça qui me plaisait. Et j’avais toujours cette envie d’aller à Bonal. C’était un peu le rêve. Quand ton équipe évolue en 1re division de district, tu te dis « pourquoi pas un jour ? ». En 2016, j’avais déjà gagné la coupe Fernand Nicolas/Pont Sports (réservée aux équipes réserves du Territoire) à Méziré. Il y avait deux équipes de l’Asdam finalistes cette année-là. On avait joué en lever-de-rideau, remportant le match 5-1 face à l’Olympique de Montbéliard, mais la A avait perdu 3-0 la finale de la Coupe Musner contre Bart. C’est dommage car cela a terni un peu notre joie. Le doublé était possible mais c’était déjà une belle épopée.

En Coupe, j’ai aussi perdu six matchs aux tirs aux buts. Jusqu’en 2024, je n’avais jamais gagné. Une fois, j’avais fait l’intérim en A car Cédric n’était pas là et j’ai perdu aussi aux penalties contre Nord Territoire. J’étais maudit (rires).

« En Coupe, j’ai perdu six matchs aux tirs aux buts. Jusqu’en 2024, je n’avais jamais gagné. J’étais maudit ».

Quand as-tu commencé à y croire l’an dernier lors de la Coupe Crédit-Mutuel (ex-Jonte) ?

J’ai commencé vraiment à y croire lorsqu’on a gagné à Seloncourt (3-3, 4-3 aux tab) en quart-de-finale. Je me suis dit : « C’est notre année ». On avait enfin gagné aux penalties, le sort s’inversait. La demi-finale, je l’ai suivie dans mon lit à 2h du matin à Bali. Je me chiais dessus et j’étais fou de joie quand j’ai appris la qualification. Et la finale a été évidemment exceptionnelle. J’avais des bonnes vibrations avant le match mais je n’étais pas forcément confiant car on jouait un adversaire qui était en tête de l’autre groupe de D1 en championnat. On ne pouvait donc pas trouver plus fort en théorie. Lors du repas de midi, j’ai senti une certaine sérénité dans le groupe. On était dans le match, il n’y avait pas d’angoisse particulière. 3-0 puis 3-1 en première mi-temps, c’était comme dans un rêve. La deuxième était plus stressante car ils dominaient un peu. Le 4e but a été libérateur et nous a permis de détresser pour les cinq dernières minutes. C’était le bonheur de voir tous les gens heureux. Si mes proches étaient présents ? Oui, ce n’était jamais arrivé. Il y avait mes deux sœurs, mon beau-frère, ma fille, ma compagne alors qu’ils ne sont pas très foot habituellement. Il y avait plein d’anciens du club qui étaient là aussi. Je ne les avais pas vus depuis des années comme l’entraîneur Michel Vilaplana que j’adulais en senior. C’était une journée exceptionnelle. Mais tu n’en profites pas car ça va trop vite. En plus, j’étais malade depuis mon retour de Bali. Le lendemain, je suis parti au boulot avec 40 de fièvre. Tout le monde pensait que je m’étais mis une mine la veille (rires). En tout cas, c’est ma plus grosse émotion en senior. Avec les gosses, j’en ai eu une autre : en U15, on avait battu les Algériens de Montbéliard en quart-de-finale à l’issue d’une séance de tir aux buts rocambolesque.

D’où venait ta volonté de faire des changements à chaque tiers du match ?

Ce n’était pas vraiment tactique au départ. Au contraire. D’abord, il faut savoir que Cédric Marchetti faisait déjà un peu ça et je me suis donc calqué sur lui. Il ne concevait pas que dans un club amateur, un joueur joue seulement ¼ d’heure comme dans certaines équipes. Pour ma part, j’avais toujours confiance dans les 14 joueurs de mon groupe sans distinction. De plus, Cédric m’avait également appris que mettre la meilleure équipe dès le coup d’envoi n’était pas toujours positif. Alors que quand t’arrives à la 30e et que tu peux faire rentrer trois mecs qui sont peut-être encore au-dessus, ça peut faire basculer le match. C’est vrai que ça a fait un peu jaser mais, de mémoire, je crois que ce choix ne nous a mis en difficulté qu’une ou deux fois.

Pourquoi as-tu souhaité prendre du recul cette saison ?

Disons que j’ai atteint un peu le Graal l’an dernier avec la victoire en coupe. Je craignais aussi que mon coaching et mon discours deviennent lassant. Certains joueurs me connaissent depuis dix ans… Il y avait aussi Anthony (Leroy), un très bon entraîneur avec de bonnes idées, qui était hyper motivé. Je l’avais eu comme joueur en B où il était latéral. C’était donc le bon moment pour lui laisser les « rênes » même si je reste quand même un peu derrière (rires). Être adjoint me décharge un peu de certaines responsabilités (changements, convocations…) tout en me permettant toujours de donner mon avis. Désormais, c’est lui qui tranche.

Quel coach t’as le plus inspiré dans ton parcours ?

Michel Vilaplana qui était le coach de l’ASMA quand j’étais senior. Il était passionné et avait joué à un bon niveau à Fesches en D3 je crois. Il y a aussi Guy Brouet qui m’a marqué en tant qu’entraîneur. C’est mon complice et mon exemple depuis des années. C’est aussi lui qui m’a transmis cette fibre pour entraîner. Il y a dix ans, il s’est écarté pour me laisser la place en B. Je suis heureux qu’il soit encore proche du groupe.

Dans le monde pro ? Je suis de moins en moins le foot professionnel. Mais j’aime bien Deschamps. Dans une phase critique, je trouve qu’on crache trop vite sur les gens. Cela me fait mal de le voir se faire siffler. Ce n’est peut-être pas celui qui propose le plus beau jeu mais je me retrouve dans sa mentalité : le jeu physique et les mecs qui s’arrachent sur le terrain. Les esthètes du foot, le beau jeu, tout ça… (il soupire), cela me va bien seulement si ça gagne à la fin ! Le résultat passe avant la manière. Deschamps incarne ça selon moi.