Guy Brouet : « J’aimais la grande responsabilité du poste de gardien de but »

Depuis presque toujours, l’inusable Guy Brouet est un visage familier des licenciés de l’ASDAM. L’ancien gardien de but a joué jusqu’à ses 65 ans sous les couleurs Rouge et Bleu avant de devenir dirigeant. Sa bonne humeur et son sourire continuent aujourd’hui d’illuminer le club et notamment le groupe senior auquel il est particulièrement attaché.

Si vous n’avez encore jamais assisté ou participé à une séance physique de Guy Brouet, réfléchissez-y ! L’ancien coach impressionne chaque année les joueurs par sa forme légendaire. Une santé de fer conservée grâce à ses années de foot et à l’armée qu’il a accepté de raconter… entre deux séances de gym dispensées à Belfort. À 81 ans, on ne se refait pas.

As-tu commencé le foot à l’Asdam ?

Non, j’ai commencé à l’ASPB (Association sportive des patros belfortains) ayant grandi à Évette. J’ai été élevé par mes grands-parents. Étant né pendant la guerre (le 24 juillet 1943), je n’ai pas connu mon père qui était un soldat allemand. Je l’ai su par hasard quand j’avais 17 ans. Ma femme actuelle a fait quelques recherches et j’ai pu retrouver des cousins originaires de Bochum en Allemagne. L’un d’eux est d’ailleurs entraîneur au sein de l’équipe première de Fribourg (ndlr : évoluant en Bundesliga). Il parle un peu le français et nous avait aidé pour retrouver de la famille.

J’ai donc vécu chez mes grands-parents jusqu’à une dizaine d’années avant d’aller chez ma mère et mon père adoptif. Je suis né Mercier. Brouet est le nom de mon père adoptif. C’est celui que j’ai donné lors de mon engagement à l’armée.

Pour revenir aux Patros belfortains, c’est venu de mon père adoptif qui aimait bien le foot. On n’habitait pas loin du terrain au fort Hatry. Je n’avais que la ligne droite à faire pour aller à l’ASPB. J’ai commencé sur le terrain des Trois-Chênes (derrière l’actuelle tribune) où j’avais Jean Sarrieux comme entraîneur qui avait joué pro à Sochaux. J’ai évolué en minimes puis cadets là-bas avant que l’ambiance se dégrade. Il y avait des joueurs qui arrivaient de nulle part et jouaient à notre place. Tout un groupe est donc parti en même temps.

Ensuite, je suis allé au Vieux Belfort, un club qui n’existe plus créé par des menuisiers, basé à la vieille ville. On montait dans la camionnette pour aller s’entraîner sur le Champ de Mars où est située aujourd’hui la gendarmerie. Cela a duré deux saisons avant que je parte à l’armée.

L’armée, une autre période importante de ta vie…

Oui. J’avais triché un peu avec les papiers. Ma mère a découvert le pot-au-rose et m’a empêché de partir. Elle est allée au bureau de la place à Belfort pour dire que je n’avais pas 18 ans. À l’époque, tu mettais la date que tu voulais et les services fermaient les yeux… La relation est devenue ensuite plus difficile à la maison avec mon père adoptif à partir de la naissance de ma demi-sœur. J’ai donc fichu le camp et je me suis marié au mois de décembre. Mais au mois de janvier, l’armée m’a tout de suite rappelé et je suis finalement parti en Algérie où il y avait la guerre. C’est la raison pour laquelle je participe encore à des cérémonies comme porte-drapeau. J’étais stationné à Oran où je faisais des missions avec beaucoup de harkis. J’y suis resté deux ans et demi. Ils m’ont même proposé d’aller à Papeete en Polynésie où ils réalisaient des essais nucléaires. Ma formation de mécanicien diesel les intéressait. J’ai hésité mais, sous la pression de mes proches, j’ai décliné. Le Colonel m’a dit que je faisais une connerie et il avait raison. Je serais parti en retraite beaucoup plus tôt si j’y étais allé…

Et le foot dans tout ça ?

Je suis revenu en France en 1963 après les accords de paix. Je suis retourné au garage où je travaillais avant, vers le temple (faubourg des Ancêtres). J’y ai fini chef d’atelier. Vers 1964-1965, j’ai signé à Meroux où j’ai fait trois saisons avant le jumelage avec Andelnans devenue l’ASMA (nldr : en 1968). Ce qui fait que j’ai connu les deux fusions avec celle de Danjoutin en 1995 (sourire). À l’époque, peu de joueurs de Meroux étaient “chauds” pour la fusion. C’était encore la guerre des clochers. Moi, cela me posait aucun problème. Et ça s’est super bien passé notamment grâce à Jean Faudot, le président. Il était au service de tout le monde mais savait dire stop aussi.

Après cette date, je n’ai fait que deux infidélités à l’ASMA : d’abord à Giromagny pendant deux ans (1978-1980) car un entraîneur avait fait le bordel ici (rires). Mon patron était le président du club de Giro et j’y ai passé deux belles saisons.

L’autre période, c’était à Chèvremont où évoluait mon beau-fils. Le coach Alain Arisi m’avait sollicité pour faire la préparation physique des entraînements. D’ailleurs, d’anciens joueurs sont venus me voir récemment au bord du terrain pour me dire : “On s’en rappelle bien des séances d’abdominaux avec toi” (rires).

Comment es-tu devenu gardien de but ?

Au début, j’étais arrière latéral droit puis gauche. Et à l’époque, on ne dépassait le milieu de terrain, tu restais à ta place (sourire). J’ai aussi joué milieu de terrain en 6. Je suis devenu gardien car un beau jour, le gardien habituel Jean-Paul Oeuvrard (cousin du « P’tit Claude ») a dit qu’il arrêtait. On était au tout début du championnat et l’effectif n’était pas aussi important que maintenant. Qui allait-on mettre au but ? J’avais déjà fait quelques essais à ce poste à Belfort mais je n’étais pas plus chaud que ça. Finalement, j’ai fait toute ma carrière dans les cages (rires). Exceptée une saison où Philippe Faudot m’a remis sur le champ, l’année où on est monté d’ailleurs. Pour l’anecdote, je n’ai pris qu’un seul carton rouge dans ma vie. J’avais mis un coup de poing dans la gueule d’un adversaire au milieu d’une bagarre générale contre Port-sur-Saône. Manque de pot, c’était le président du club ! (rires). Je n’ai pris qu’un match grâce à une amnistie générale.

« Je n’ai pris qu’un seul carton rouge dans ma vie. Lors d’un match contre Port-sur-Saône, j’avais mis un coup de poing dans la gueule d’un adversaire au milieu d’une bagarre générale. Manque de pot, c’était le président du club ! (rires) »

Ma taille pour le poste ? Je fais 1,75m. Ce qui allait pour l’époque, j’étais dans la moyenne contrairement aux jeunes d’aujourd’hui, comme mon petit-fils, qui me donnent le torticolis (rires). Non, ce qui plaisait, c’était la grande responsabilité de ce poste. Un gardien n’a pas le droit de faire de conneries contrairement à un autre joueur. Tu peux avoir des moments de creux. Il faut être solide nerveusement. Tout le monde t’applaudit quand tu fais des arrêts. Mais tout le monde te regarde aussi quand tu fais des boulettes (rires).

Des gardiens qui m’ont inspiré ? Dans le foot pro, il y avait René Vignal (ndlr: joueur de l’équipe de France dans les années 50) qui était un grand gardien. J’ai aimé aussi Barthez. Lui, c’était un tueur. On a toujours eu des bons gardiens en équipe de France.

Quand as-tu arrêté de jouer ?

J’ai disputé mes derniers matchs en senior à l’âge de 65 ans. En B ou en C selon les matchs. Même si Rémi Besançon venait encore parfois me chercher à la hâte en voiture pour dépanner l’équipe première.

Pourquoi cette longévité ? Grâce à l’armée, j’ai fait beaucoup de sport notamment du foot et de la gymnastique à « la Belfortaine ». Je faisais les deux en même temps. Jusqu’au jour où je suis parti vexé car je me suis loupé au cheval d’arçons. J’ai atterri les baloches sur le cheval, le souffle coupé. Les filles à côté étaient mortes de rire. J’ai dit : “c’est bon, j’arrête” (rires). Dans le cadre de mon travail, je livrais aussi des pianos avec le magasin Gur à Belfort. Cela travaillait mes muscles. Je portais déjà des charges importantes dans le poids-lourd. Sachant que j’ai commencé à travailler à 15 ans juste après l’obtention de mon brevet. Dans des conditions pas toujours faciles à l’époque. J’ai fait aussi un deuxième passage à l’armée à l’ERM (Établissement régional du matériel) de Belfort après la vente du garage où tout le monde a été licencié. J’y suis resté de 1980 à 2000 quand l’ERM a fermé. Ce qui a coïncidé avec ma retraite.

Sinon, je n’ai jamais trop picolé jusqu’à certain âge. Aujourd’hui, il peut m’arriver de canonner un coup mais pas au point de rouler par terre (sourire).

As-tu toujours eu envie d’entraîner ?

En fait, c’est arrivé bizarrement. Je n’étais pas entraîneur. Le président de l’époque, Jean-Paul Bertrand que je connaissais grâce au travail, m’a sollicité pour prendre le poste car il n’y avait plus personne. Je n’étais pas spécialement emballé mais j’ai finalement pris l’équipe. On a loupé la montée de la Promotion de Ligue à Promotion Honneur d’un point en se faisant “truander”. Un copain délégué m’avait averti que la Ligue allait redonner deux points (malgré une défaite sur tapis vert) à notre adversaire qui était dans le Doubs je crois. Du coup, ils sont passés devant nous au classement. J’avais les boules… car on avait une belle équipe. J’avais d’ailleurs le président Guyod comme joueur. Il n’était pas facile à l’époque (rires) mais on en rigole aujourd’hui. Il y avait aussi les deux fils du maire d’Andelnans (Ndlr : Bernard Mauffrey), les frères Pattarozzi

J’ai fait une saison supplémentaire avant d’arrêter l’équipe première. Ensuite, j’ai continué avec l’équipe réserve où je me mettais parfois sur la feuille de match pour dépanner. Je me suis rendu compte que tous les joueurs ne jouaient pas forcément le jeu…

Quand Bruno Besançon est arrivé, je lui ai donné un coup de main avant de laisser ma place. Je donnais mon avis si on me le demandait mais je ne prenais plus de décisions. J’accompagnais le groupe de la B et la C, parfois dans la même journée. Sinon, j’ai aussi entraîné les jeunes pendant deux saisons avec Marc Derrien car il y avait mon petit-fils Léo qui jouait (sourire) avant de partir à l’ASM Belfort.

Pour finir, que représente l’Asdam pour toi ?

L’Asdam est mon club de cœur depuis l’époque Jean Faudot et tout ce qui a eu derrière. Même maintenant avec Stéphane Guyod avec qui je suis très copain. Tous les gosses Faudot, notamment Philippe et Thierry, ont joué et se sont dévoués pour le club. Le contexte a bien changé : au début, je me souviens qu’on se changeait dans un wagon de chemin de fer à Meroux. La douche, c’était le ruisseau qui passait à côté. Les adversaires venaient à la mi-temps avec la gnôle et les sucres (rires). C’était une autre époque.

Le club a bien évolué surtout lors du passage de Cédric Marchetti puis Antoine Cassani juste derrière. Ce sont les deux meilleurs entraîneurs qu’on ait eus, avec Michel Villaplana. D’ailleurs, le physique avec lui, c’était quelque chose aussi (sourire). Je me souviens aussi de M. Boulin, un militaire mort assez jeune. Il avait une force de frappe incroyable. Au point d’enfoncer le gardien de Morvillars avec la balle dans les buts un jour. Je n’avais jamais vu ça de ma vie. ■